Tribulations schizophréniques lunaires.

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Supprimé

Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par Supprimé »

:jap:
cLEg6

Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par cLEg6 »

(Je ne sais pas où le mettre ; ça ira très bien ici.)

[Vous devez vous connecter ou vous inscrire pour voir ce lien]" onclick="window.open(this.href);return false; : Une majestueuse représentation des jumelles Vilja, entremêlant grâce, légèreté et contorsionnisme. Pour le coup, je suis tout simplement soufflée.
cLEg6

Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par cLEg6 »

Ventriloque automatique.

Il lui revenait encore, en rêve, parfois sans qu'elle n'y ai pensé, sans qu'elle n'ait pu lutter contre sa présence dans son avant-sommeil. Toujours chaleureuse, paternelle, et dotée d'une aura lumineuse qui la rendait irréelle. Au réveil, elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était ce qu'il était devenu, dorénavant. Irréel. Elle s'interdisait de penser à lui le jour durant ; et il s'invitait, lancinant et trompeur, dans ses rêves : il lui susurrait que c'était permis, qu'il n'y avait rien à craindre. Ou bien il semblait perdu, confus et il fallait alors qu'elle subisse ses déversements impuissants, le rassure, le prenne dans ses bras. Elle avait besoin de lui, semblait-il. Elle était perdue sans lui. Ces rêves là étaient les plus violents, les plus brutaux au réveil ; et ils lui laissaient le ventre tordu et la bile amère. En ouvrant les yeux, elle réalisait que son subconscient la mettait encore face à ses chimères. Il n'était ni confus, ni perdu et elle n'avait besoin de rassurer personne.

C'était l'imaginaire de ces anti-héros d'enfance qui lui avait donné ce goût de la protection, et maintenant c'était comme un coup de poignard dans le dos, le matin. Par une étrange alchimie, il lui arrivait parfois de ne voir que son amour presque incestueux, qui éclipsait tous les autres. Ils reprenaient leurs activités anciennes, et toute cette étrange complicité qui lie deux êtres quasi-morts, les situations connues d'eux seuls, cette fois où ivres, ils s'étaient réconciliés pour courir éperdus dans un champ, à la lueur de leurs torches de jonglage. Tout ceci lui revenait alors, et il n'y avait plus de trahison, plus de culpabilité. Il n'y avait que l'adoration éternelle, presque tragique ; celle qui ne se forme qu'aux abords de l'âge adulte, lorsque l'on n'a pas encore assez vécu pour comprendre qu'on se ment déjà, mais juste assez pour avoir goûté à l'immortalité trompeuse de l'âge.

Parfois enfin, les rêves ne suffisaient plus, et alors ils pensaient à eux en plein jour. Certains endroits, comme une cartographie de sensations, la rappelaient immanquablement à lui, ou à elle. Il s'interdisait de penser à elle, et espérait toujours stupidement, inconsciemment un rebrousse-chemin. Avec le temps, elle avait arrêté d'arpenter les quais de gare et les hall d'immeubles à sa recherche pour se blottir contre lui. Et elle restait maintenant assise, les yeux dans le vide, à sa place, sans comprendre vraiment comment il en était arrivé là. Il aurait aimé la revoir, mais aujourd'hui, il ne savait plus ce qu'il aurait bien pu lui dire. Les jours défilaient, le compteur tournait, il ne fallait surtout plus le remettre à zéro. Elle le savait tout aussi bien que lui. Ce souvenir qui venait jusque dans ses rêves, et qui la regardait, sans rien dire, toujours aussi tranchant et damné ... Peut-être encore était-elle, elle même, devenu un fantôme de son inconscient. Elle ne dirait rien, et il le fallait.

Le revoir, au hasard d'un événement inévitable. Préparés ou non, ce serait le choc violent de deux pans de vie abandonnés qui se rencontrent. Il y a un trouble évident à regarder la branche d'un futur possible qui a séché sur pied.

Parfois je me plais à imaginer les mots que nous pourrions nous adresser l'un à l'autre dans ce genre de situations. Mais souvent rien ne me vient ; et les polichinelles qui actent dans mon crâne sont soudain privés de parole, désarticulés, condamnés à se regarder l'un et l'autre, condamnés à chercher dans les yeux de l'autre une solution qui n'a jamais existé. Il ne reste alors plus que l'oubli, la distance, le temps. Et la complaisance, l'horrible complaisance. La facilité lorsque l'on fait durer un regard, lorsque l'on prolonge un retard qui aurait dû s'achever plus tôt. Lorsque l'on se vide, étouffés d'horreur, et qu'on reste crispé, étendu sur un lit aux draps froissés et sales aux relents cauchemardesques, à contempler le terrible gouffre au fond duquel on est tombé. Il faudra encore beaucoup de temps pour que tout s'arrête, que même mon inconscient abdique, enfin. Combien d'années pour ce genre de brûlures au creux du ventre ? Combien d'années pour que tu disparaisses ? Combien d'années pour rattraper l'accroc ?

Il ne faudra sans doute jamais le revoir. Jamais le revoir.


Emily, 16/09/2013
Voluptueuse

Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par Voluptueuse »

Woooooooo, je l'ai lu à voix haute...
Je respire car ton texte me traverse tout le corps...
Tu as le don de décrire une émotion, un sentiment, un ressenti au point où nous pouvons le ressentir avec toi.
Ma Belle, le créatif est souvent associé à la souffrance d'âme. :aime:
Farfa
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Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par Farfa »

Envoutant tant de souffrance que l'on tente de maquer derriere de pale esquisse de sourire agrementé de faux semblant, mais qui, la nuit venue explose comme un melon trop mûr sous la pression de la lune et de la solitude... Cette envie charnelle qui hurle son apotheose quand les souvenirs se dessinent, obscenes et sensuels... quand le corps respire la tendresse matinée de désir et que le neant nous renvoit la cacophonie de nos silences blêmes.. un inachevé de l'autre qui s'etend comme un reproche fusneste, délirant et tourne à l'obsessionnel.
Quand le coeur se lacèrent de ses restes de fragrances qui évoquent une abscence insupportable et bienfaitrice...
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Dresseur de cafards, branleur de la main droite, culotte addict, voyeur irrécupérable... à ne pas fréquenter, vous voila prevenu!
Farfa
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Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par Farfa »

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cLEg6

Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par cLEg6 »

Je tentais péniblement de reprendre mon souffle, haletante, étreinte d'une angoisse impitoyable. La nuit était tombée d'une façon anormalement lente ce soir-là, telle une coupole pesante reflétant ses obscurités sur les eaux claires du parc. Alors que le soleil déclinait, je m'en étais dangereusement approchée, danseuse lascive sur l'herbe verte légèrement humide, ma robe de mousseline glissant négligemment sur mes épaules. D'un mouvement fluide, mon corps ondulait de lui-même, possédé par les douces lueurs du couchant, habité d'un désir quasi-sensuel de communion avec cet havre de paix si singulier. Mes pieds n'avaient rapidement plus touché terre, propulsés dans l'infini comme dans un état second.

J'avais reçu de nombreuses sommations, selon lesquelles les pouvoirs de cette étendue étaient d'une force insoupçonnable, bouleversant tout équilibre terrestre et promettant une lourde peine aux âmes qui risquaient à s'y approcher. Comme à l'accoutumée, la curiosité l'avait emporté sur la raison, et je m'en haïssais terriblement à présent. L'atmosphère s'était soudainement faite plus dense, chargée d'une menace indéfinie, comme en réaction négative à mon indécence. Les merles s'étaient tus, leur doucereuse ritournelle laissant place à un silence de plomb, accablant. La verdure si agréable sous mes pieds avait subitement donné naissance à des ramifications caricaturales, aux allures de pantins défigurés. Les délicates ondulations de mon léger vêtement flottaient maintenant en tous sens, déchirées et souillées de boue, tel un drapeau vengeur. Je perçus brièvement un ricanement lointain, presque irréel, alors que mes pieds s'enfonçaient dans la vase, otages de cette prison de terre qui m'attirait peu à peu à elle.

Je ne pris même pas la peine d'explorer visuellement les alentours en quête d'une éventuelle présence humaine. Je me serais sans doute retrouvée face à de vagues créatures difformes, ne pas m'y confronter valait sans doute mieux pour l'instant. Il ne restait plus rien du coin de paradis dans lequel j'avais échoué quelques heures plus tôt. L'environnement qui me faisait face n'avait plus que l'odeur du supplice. Dans le meilleur des cas. Une surface rugueuse vint brusquement interrompre mes réflexions, s'insinuant perfidement le long de ma jambe. Je tentais d'esquisser un mouvement pour m'en dégager, mais ce fut évidemment peine perdue. Je découvrais avec effroi les chênes me faisant face, tels des scrutateurs cruels, enrouler patiemment leurs racines imposantes à mes chevilles. Ma première impulsion fut de courir dans ce dédale désormais récemment métamorphosé en labyrinthe, mais tout effort en ce sens ne serait qu'échec. Les allées bordées de gargouilles immobiles firent naître en moi les réminiscences d'une ancienne visite au château de Versailles. L'absurdité de cette pensée me fit presque sourire, en dépit de la situation dans laquelle je me trouvais. Une ironie du sort qu'il serait impossible de vaincre.

J'entrepris de rassembler les quelques bribes de forces qui me restaient, l'énergie du désespoir, motivé du seul instinct de survie. Je parvins à évoluer de quelques pas en direction de la bâtisse, derrière laquelle j'avais laissé tout un pan de ma vie, deux ou trois amants aussi et la certitude d'un présent déjà flétri. La prise sur mes chevilles se fit plus intense, provoquant des craquements sourds dans mes articulations, désormais vaincues. A bout de souffle, je me laissais arracher à ma trajectoire, la douleur anihilant toute autre volonté. Le corps couvert de terre, les cheveux pendant pauvrement autour de mon visage sans expression, je n'opposais aucune résistance à cette nature meurtrière qui me traînait maintenant en droite direction du lac.


Les eaux n'étaient en réalité que vastes ondées sanglantes, sans lien de parenté avec les ondulations cristallines que j'avais pu en voir auparavant. Les avais-je rêvées ? N'étaient-elles que projections de mon imaginaire débordant ? Alors que j'avais été progressivement tirée vers le point culminant de tous les maux, les prémices d'une odeur douceâtre s'étaient mués peu à peu en une atrocité sensorielle sans commune mesure. A une vérité qui dépassait toute capacité fantasmagorique. Paradoxalement, je me sentais irrépressiblement amollie par cet oxygène de stupre, comme délicieusement fascinée. Mon visage n'était désormais qu'à quelques centimètres des eaux cruelles, au bord d'un précipice inévitable qui m'appelait de tous ses vœux. Des personnages fantasmagoriques s'en élevaient, rouges carmins, dans l'obscurité du soir, anges débauchés dévoués à tous les outrages. Un sentiment indicible s'empara de moi, souffle ultime de désir et de résignation, alors que je fus propulsée dans le courant, n'ayant pour dernière vision que des corps sanglants se tordant dans une élégante volupté.


Emily, 22 janvier 2014.
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Re: Tribulations schizophréniques lunaires.

Message par Farfa »

:love: :love: :love:
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