Rencontre Capitale premier chapitre.

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Vacma
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Rencontre Capitale premier chapitre.

Message par Vacma »

Coucou,

Il y a quelques années de cela je me suis lancé dans l’écriture et ce fut un travail de longue haleine très éprouvant .

Ce que je présente est la première des deux parties et peut-être la moins réussie, déjà que c’est loin d’être dû Guillaume Musso... :lol: Mais bon, c’était un hommage à des amies de doc qui m’ont inspiré et parfois aidé dans certains détails leurs concernant . Je vous laisse lire si vous en avez le temps !!!

Bisous

Sur le périphérique encombré de l’Est de Toulouse, Sandrine Pastor se rendait à son travail récemment acquis à force de recherches et de détermination. Elle n’était pas peu fière d’avoir délaissé son statut de chômeuse à celui d’employée à plein temps en CDI dans une agence immobilière. Elle avait troqué par la même occasion les mines antipathiques des gens du Pole Emploi contre les sourires de ses collègues qui l’accueillirent avec entrain et bienveillance lors de son premier jour. Sandrine était exactement la personne qui convenait car elle apprenait vite et n’était pas du tout une fainéante ni ce que sa responsable et amie Carine appelait “une emmerdeuse”. Par ailleurs, elle avait un sens du contact inouï et attirait la sympathie. Mais pour l’instant, elle était bloquée dans les embouteillages de la A620 . Elle n’avait cependant guère le choix de l’itinéraire et supportait l’attente en écoutant la radio et en fumant une cigarette. D’autres automobilistes ralaient, klaxonnaient et parfois même s’insultaient en s’envoyant menaces et gestes douteux de la main, limitent capables de commettre quelque chose de plus fâcheux encore. Sandrine en revanche restait de marbre et favorisait la maîtrise de soi afin d’éviter les ennuis. Il aurait été trop regrettable qu’un nerveux s’en prenne à sa belle voiture pour un malheureux coup de klaxon ou un geste déplacé. Et c’est sans la moindre trace d’agacement sur son visage aux traits indiscutablement espagnols qu’elle prit la sortie pour Blagnac. Deux kilomètres plus loin elle gara sa Fiat 500 encore flambant neuve dans le parking réservé aux employés de l’agence Croze Immobilier. L’air de cette matinée de mars était bien frais mais la météo promettait un soleil radieux et des températures printanières.
Daniel Croze était un quinquagénaire ambitieux et débrouillard au physique avantageux qui lui permit à maintes reprises d’obtenir (ou à vendre) avec une facilité qui décontenancait bien d’autres agents immobiliers. Il combinait ses prédispositions naturelles avec le versement de pots de vin afin de s’entourer de personnes influentes et pour de obtenir leurs bonnes grâces. Mais avant tout, il était un travailleur acharné qui n’économisa pas ses efforts pour se mettre à son compte avant sa trentaine. Les années passèrent et il se monta une deuxième puis une troisième agence Croze Immobilier dans la Haute-Garonne jusqu’à devenir un véritable réseau dans toute la région Midi-Pyrénées. Il n’était pas Stéphane Plaza non plus mais la providence lui souriait plus qu’elle ne lui fit la tête. Sandrine avait eu le privilège de le rencontrer lors de son embauche et fut frappée par sa simplicité en dépit de son charme impressionnant. Il émanait un charisme de son visage bronzé et de sa chevelure épaisse qui constituait un atout indiscutable dans sa profession. Elle avait une quinzaine d’années de moins mais n’aurait pas refusé de boire un verre en sa compagnie si elle ne fut pas aussi amoureuse de Cyril. Toutefois, son panache et son sens des réalités lui permettaient de ne pas s’engluer dans une vie de famille monotone à jouer les mères trop attentionnées et les épouses soumises. Sa vie de femme constituait également une priorité et quitte à choquer les membres d’une France trop puritaine, elle se lâchait sans grande retenue lorsque l’occasion se présentait.

Il était huit heure lorsqu’elle s’installa au bureau de l’accueil, souriante comme à son habitude et après avoir son café pris en compagnie de Carine . Elles avaient pour habitude de se restaurer ensemble dans le réfectoire de l’agence mais chaque vendredi, la coutume voulait qu’elles aillent dans une petite brasserie. Elles prenaient généralement un plat agrémenté d’un verre de rosé et parlaient du boulot, de la famille et de leurs amours. Parfois, elles se faisaient gentiment draguer mais l’audace se limitait à un simple échange de sourires. C’est que Sandrine Pastor ne laissait pas indifférente. Petite de taille, expressive de visage et toujours aussi désirable pour ses 38. Carine légèrement plus âgée possédait des traits plus sévères notamment à cause de sa bouche aux lèvres fines qu’elle maintenait trop closes de ses lunettes fines et anguleuses, ce qui rebutait un peu la gent masculine. Certains allaient jusqu’à penser qu’elle était plus coincée que les bouchons du périphérique sans savoir qu’elle était tout à fait adorable en réalité.
Sandrine alluma la tour de l’ordinateur puis consulta les mails, se préparant à un exercice bien rodé à présent. Elle en fit le tri, jetant à la corbeille les plus insignifiants comme celui des Fugier et s’intéressant aux plus urgents, les dégâts des eaux, les problèmes électriques et les poubelles en flammes. Les Fugier était une famille que Sandrine considérait comme étant de mauvais aloi . Fieffés profiteurs du système, Sandrine leur envoyait chaque mois un mail de rappel pour un loyer impayé ou des soucis d’ordre d’hygiène. Sans parler des tonitruantes disputes sous fond d’alcool pendant les petites heures de la nuit dont se plaignaient les voisins.
Ce qui aurait pu être réglé en une heure prenait généralement la matinée entière à cause des allers et venues des locataires, des demandes de logement et du courrier parfois recommandé qui arrivait sans cesse. Ainsi était-elle devenue le bras droit de Carine, pas irremplaçable mais fort précieuse.
- Sapristi, s’exclama Carine en ouvrant sa boîte mail, j’ai de quoi m’occuper toute la matinée.
- Iras-tu au Stadium samedi prochain Sandrine? Le Stade Toulousain peut cartonner contre le Racing. Nos joueurs sont trop forts cette année et cette fois-ci, c’est nous qui soulèverons le Bouclier de Brennus.
- Franchement Carine, j’en doute vu leur défaite contre Castres et ça m’étonnerait que j’assiste au match contre le Racing, répondit-elle en haussant les épaules. Nous supportons notre équipe mais ne fréquentons pas souvent les tribunes du stade de Toulouse. Cela dit tu as raison, nos piliers sont rapides et nos deuxièmes lignes des géants. Tu aimerais qu’ils te soulèvent toi plutôt que le bouclier de Brennus n’est-ce pas?
Sandrine lui adressa un sourire amusé appuyé d’un clin d’oeil. Elle n’ignorait pas que Carine avait un penchant pour les hommes virils et musclés. Être portée à bouts de bras comme une rockstar par des modèles dénudés de calendrier et si possible en étant tout aussi dénudée était un fantasme sur lequel elles plaisantaient toutes les deux en parlant du Stade Toulousain.
- Toi alors‼! Et je peux te renvoyer le ballon ovale car tu n’es pas la dernière à rêver des torses larges et musclés de nos favoris. Tout à fait le genre à leur faire des suçons en forme de 06 pour les inviter à aspirer leur peau avec ta bouche comme la moquette de ta chambre.
- T’as qu’à apprendre à te servir de tes lèvres autrement que pour balancer des sarcasmes sur ta meilleure subordonnée ‼!
- Dis tout de suite que tu es malheureuse petite peste‼!”
S’en suivit un bref éclat de rires pour conclure la joute verbale. Puis un couple pénétra dans l’agence pour les questionner sur un bien immobilier situé en plein cœur de Toulouse. Sandrine retrouva instantanément son sérieux et demanda aimablement en quoi elle pourrait les aider. La formule règlementaire dans chaque commerce. L’essentiel étant de savoir quand la placer pour ne pas faire fuir les clients.

Les journées se suivaient, se ressemblaient et ne laissaient guère de place à la fantaisie. Cyril, son cher mari, travaillait comme soudeur dans une boîte de chaudronnerie et ils ne manquaient de rien. Même leurs enfants en pleine adolescence étaient sans histoire. Rien de plus à leur reprocher qu’un joint fumé pour faire comme les copains, une boîte aux lettres esquinté à coups de pétards et quelques retards le soir pour des motifs sentimentaux. Non, Sandrine estimait qu’elle n’avait pas à se plaindre de sa vie. Elle pensait de temps en temps à certaines amies de lycée plus populaires qu’elle ne le fut à l’époque et qui avaient malheureusement mal tourné pour avoir cédé au syndrome du prince charmant puis qui étaient tombées accidentellement enceintes. Celles ci ne roulaient pas en Fiat 500 mais dans de vieilles 205 Peugeot pour avoir fréquenté de sacrés numéros. Les préoccupations de Sandrine se limitaient au choix de sa destination de vacances où à l’organisation de son anniversaire de mariage. Seize ans déjà et quasiment aucune ombre au tableau. Ses parents et beaux-parents tous sexagenaires se portaient comme des charmes et l’entente était parfaite. Carine lui avait déjà demandé si des fois elle n’avait pas été touchée par la main de Dieu au cours de leurs nombreuses pauses café et Sandrine se contentait de sourire d’un air navré en écartant les bras.
- Tu n’oublieras pas que tu dois faire l’état des lieux entrant en début d’après-midi dans l’appartement de la rue Georges Clémenceau, Sandrine ! Cela fait quatre mois qu’il est à pourvoir et la concierge a trouvé ce jour là pour choper une crise de gastroentérite. Quant à Frédéric, il est en congé aujourd'hui. Tu auras affaire à un jeune couple apparemment sans histoire mais on ne sait jamais, ils pourraient faire la fine gueule.
- T’inquiète, j’y serais en temps et en heure. C’est à trente minutes de l’agence. Par ailleurs, l’appartement est nickel depuis son rafraîchissement. Ils ne trouveront rien à redire.
- Leurs prédécesseurs avaient perdu leur caution pour avoir défoncé un mur, improvisé une chasse d’eau en faisant levier avec un tournevis, cramé le lino de la cuisine et coincé la moitié des volets roulants. Des cassos de première.
Carine soupira d’un air exaspéré. Elle avait répété cette histoire une bonne douzaine de fois.
- Je sais Carine. Et ils n’ont même pas eu à payer des frais supplémentaires. Ça se passera mieux avec ces locataires. Ils commencent tout juste leurs vies actives et resteront là le temps de faire leur premier enfant et d’investir dans une maison.
- Pouvu qu’ils ne deviennent pas comme les Fugier. C’est tout ce que je leur souhaite. Ils ont renouvelé leur attestation d’assurance au fait?
- Non, pas encore. S’ils ne le font pas aujourd'hui je leur enverrai une relance par mail.
Elle grimaça à son tour. Il suffisait d’évoquer les Fugier pour perdre le sourire.

Quand vint 14h, Sandrine quitta son poste pour se mettre au volant de la C2 blanche de l’agence. Une voiture idéale pour se faufiler dans la circulation dense et pour se garer en catastrophe. Des autocollants Croze Immobilier d’un rouge pétant s’étalaient sur les portières et le coffre. Elle déposa le dossier de l’état des lieux entrants sur le siège passager puis fila en direction de l’immeuble.
La rue Clémenceau n’était pas une zone de non droit mais les alentours trahissaient le niveau de pauvreté de ses habitants. Des tags grossiers étaient peints sur des murs sales et craquelés. Une poubelle était renversée et les carrosseries des voitures garées se distinguaient par leurs bosses sur les ailes et les pare-chocs. Sandrine manqua presque de poser le pied sur une crotte de chien encore fraîche ce qui la fit grimacer de dégoût et d’exaspération. Le jeune couple l’attendait et la jeune femme lui fit signe de la main comme si elles avaient vécu ensemble une mémorable croisière en Corse. Sandrine les trouva très beaux et le bonheur d’être ensemble se reflétait sur leurs visages. Cela lui rappela un peu son envol dans la vie active avec Cyril.
- Bonjour à vous, s’exclama Sandrine en leur serrant la main, ça y est, c’est le grand jour alors suivez moi et n’hésitez pas à me faire remarquer la moindre anomalies. Il est primordial de repérer et de noter les détails qui vous chiffonne pour ne pas vous faire piéger lors de l’état des lieux sortants.
Ils répondirent timidement en approuvant du chef. Voilà une tâche qui sera bien vite réglée, pensa Sandrine.
- C’est au troisième étage et sans ascenseur mais comme vous êtes jeunes ça ne devrait pas être un problème pour vous. L’appartement a été entièrement rafraîchi. Les toilettes sont neuves et les sols ont été remplacés.
Elle s’exprimait avec assurance, juste un poil essoufflée par la montée à cause des cigarettes qu’elle fumait depuis une vingtaine d’années.
- Les anciens locataires n’ont pas été délicats mais rassurez vous, les voisins sont calmes. Bien-sûr il y a des enfants qui chahutent en journée mais les nuits sont généralement silencieuses dans cet immeuble. En revanche, je ne peux pas vous garantir la même chose dans la rue. Si les voitures et les poubelles ne se font pas incendier, des adolescents aiment s’installer sur les bancs dans la verdure pour parler et écouter de la musique.
Elle ne jugea pas utile de préciser que certains possédaient des chiens nerveux qui grognaient dès qu’une personne approchait à moins de cinq mètres et qu’ils redoublaient d’impertinence lorsque qu’ils descendaient un pack de vingt-quatre Kronenbourgs. Pas plus que l’ancien locataire se servait par moment de sa femme comme d’une poire anti-stress lorsqu’il serrait ses poignets autour des siens et que sa lourde paume s’abattait lourdement sur son visage. Sa pauvre femme maigrichonne aurait pu déposer une multitude de plaintes auprès de la police mais jamais elle ne le fit et elle n’avait plus d’amies pour l’encourager à le faire. La vie maritale se révélait hélas un véritable enfer pour certaines ! Cyril n’avait jamais levé ne serait-ce qu’un petit doigt sur Sandrine, pas même le ton de sa voix. Pas même lorsqu’elle emboutit leur BMW dix ans plus tôt en exécutant une marche arrière sur le parking du supermarché. Sandrine qui se pressait pour aller chercher Audrey à l’école primaire heurta les caddies qui dépassaient largement de leur abri de rangement. Les gens ont une manie de s’épargner trois mètres à pieds pour semer le chaos dans les parkings de supermarché ! Cyril fit même preuve d’une patience inespérée lorsqu’elle dû prendre un traitement médical qui la priva de libido durant de longs mois. Dieu merci, elle était généreuse en petites gâteries mais son corps réagissait moins bien aux désirs charnels. Dès qu’elle stoppa la prise du Xanax à cause de son anxiété, tout rentra dans l’ordre et elle redevint la tornade sexuelle qu’elle était fière d’être. Cyril était comblé sur bien des points grâce à sa femme et il n’était pas d’une nature violente.
- En tout cas, c’est nickel et ça me plaît beaucoup en convint la jeune femme au visage angélique. Nous pourrons installer tous nos meubles et même faire une chambre d’amis. C’est parfait! T’en penses quoi mon chouchou?
- J’en pense que nous pouvons signer et nous installer. Demain nous entamerons le déménagement, répondit-il avec le même enthousiasme.
- Vérifiez bien tout avant de signer, conseilla Sandrine, ce document sera déterminant lorsque vous quitterez le logement.”
Elle savait par expérience que les nouveaux locataires passaient outre de nombreuses vérifications auxquelles on ne pense jamais dans l’engouement de l’aménagement et que si les états des lieux entrants étaient sources d’entrain et de bonne humeur, les états des lieux sortants engendraient plutôt des grimaces de déception et de vives protestations. Dans le premier cas, on ne vérifiait pas le fonctionnement des prises électriques mais toujours dans le deuxième. Et si un plomb décidait malencontreusement de rendre l’âme à cet instant précis, la caution à reverser perdait fatalement de sa valeur puisqu’il fallait faire intervenir une équipe de maintenance.
En une demi-heure le tour fut joué et Sandrine s’en retrourna à l’agence pour gérer d’autres dossiers et répondre à des dizaines de coups de fil de sa voix la plus aimable et mélodieuse. Dommage pour les interlocuteurs qu’ils ne pouvaient pas voir le sourire qui accompagnait le “Agence Croze Immobilier Blagnac bonjour, que puis-je pour vous ?”car il possédait le don de mettre à l’aise ceux qui en bénéficiaient et d’apaiser les tensions des les plus personnes hargneuses, celles des hommes tout particulièrement. N’en avait elle pas abusé tout au long de son adolescence ? Bof, c’était du passé tout ça ! Elle se projeta plutôt dans un avenir proche en se rappelant qu’elle avait une réunion au collège Pablo Picasso en toute fin de journée avec Cyril à propos du voyage scolaire de fin d’année de Lucas. Bon sang, à peine aurait-elle le temps de souffler qu’il lui faudra courir à nouveau. Pas le temps de préparer à manger ce soir, ils commanderont des pizzas à la camionnette du quartier. Pourvu que Cyril ait le temps de passer sous la douche car il sentira encore le métal et aura de la limaille de fer plein les cheveux. Lucas leur avait parlé d’un circuit de deux jours en car dans le pays basque et d’une nuit dans un centre d’hébergement quelque part dans les Pyrénées. Quelques professeurs de sciences naturelles et d’histoire-géographie accompagneraient les trois classes de troisième. Pas mal ! Sandrine avait fréquenté le même collège que son fils mais ses voyages scolaires se limitaient à une journée à déambuler dans les ruelles historiques de Foix. La perspective de se balader avec ses copines était alors plus enthousiasmant que la visite du château médiéval. S’il avait fallu dormir sur place, la nuit aurait été aussi blanche que festive et elles seraient reparties avec des valises dans la soute du car et sous les yeux.

Elle quitta l’agence à 17h pour braver la dense circulation de la A620 pour rentrer à Seysses et , pour se donner la pêche, fit vibrer les enceintes de la Fiat 500 avec de l’eurodance. Les quarantenaires ne juraient que par leurs précieuses années 80 mais les années 90 valaient aussi la peine d’être entendue. Les tubes majeurs de Masterboy ou Too Unlimited avaient fait trembler les fenêtres de sa chambre comme celles de ses frères dans la maison de ses parents à Frouzins bien autrefois. Pour le plus grand plaisir des autres automobilistes, on pouvait voir une jolie petite nana se mouvoir au volant de sa voiture en chantonnant et en martelant le volant. Une forme de détente pour Sandrine avant de retrouver ses responsabilités d’épouse et de mère.
Une demi-heure plus tard, elle gara la Fiat en vrac sur le trottoir face à l’entrée de son portail puis entra à son domicile. Le sac de cours de Lucas traînait au pied de l’escalier qui menait aux chambres et à la salle de bain, trahissant sa présence et sa désinvolture. Audrey quant à elle ne tarderait pas à rentrer dans lycée. Cyril buvait un café dans un mug munis d’ornements qui vantait ses mérites de meilleur papa du monde, appuyé sur le plan de travail de la cuisine ouverte. Tout était en ordre dans la maison si l’on exeptait le sac de cours de Lucas et fortiche serait celui où celle qui découvrirait un mouton sous le canapé ou des miettes dispersées sur le sol car Sandrine était aussi une fée du logis acharnée qui faisait la guerre à la poussière et au chaos. Elle allait jusqu’à arracher à coups d’éponge les crottes de nez qui étaient remisées sous les chaises, les bureaux des enfants et les longerons des lits. Quelle habitude répugnante ! Elle se demandait bien de qui ils tenaient cette manie.
- Tu as passé une bonne journée ma chérie, demanda gentiment Cyril en terminant son café ?
Chérie passa son mari aux rayons X en une fraction de seconde pour évaluer son niveau de propreté et il sembla qu’il se soit rendu sous la douche avant le rendez-vous scolaire. Elle savait qu’il n’y allait pas de gaité de cœur alors elle maîtrisa son inindulgence et s’approcha de lui pour se blottir dans ses bras. Elle aimait son mari en dépit de ses défauts qui l’exaspéraient par moment mais il était tendre et d’un soutien indéfectible à chaque fois qu’elle ne faisait pas le poids lors d’une épreuve. Elle l’embrassa sur les lèvres en penchant la tête en arrière puis déposa un autre baiser dans son cou. Aucun doute, il sentait bon le gel douche et elle fut tentée de le mordre pour le faire réagir un peu plus bas. Non, il ne fallait pas ! Ça attendrait le soir venu.
- Tu sens bon mon chéri, fit elle avec chaleur. Oui, ma journée s’est bien déroulée. Carine et moi avons déconné ce midi au réfectoire tout en parlant des hommes qui se négligeaient au point de nous faire regretter d’avoir des narines mais rassure toi, tu ne fais pas partie du lot.
Elle lui lança un clin d’œil et poursuivit.
- Et je suis allée sur le terrain cette après-midi pour faire l’état des lieux entrants d’un appartement pour un jeune couple plein d’avenir mais débordant de naïveté aussi. Tu te rappelles nos débuts dans le deux-pièces à Muret ???

Oh oui, Cyril se rappelait parfaitement cet âge d’or dans cet immeuble rue du président Louis Henry. Aucun des deux n’avaient fait d’études faute de prédisposition pour une présence acharnée dans les médiathèques, ce qui signifiait pas qu’ils furent de parfaits idiots, loin de là. Sandrine Gonzalez, tout juste auréolée d’un bac pro de secrétariat et Cyril Pastor d’un BP de métallerie s’étaient rencontrés dans un bal des pompiers un an auparavant. Bien que tout deux pénètrèrent dans la salle de bal en étant déjà honorablement pompettes avec leurs groupes de copains respectifs, ils furent subjugués dès le premier regard en se croisant entre le comptoir du bar animé et les portes des toilettes encore fréquentables avant que les ivrognes du samedi soir n’y vomissent. Ce fut la fameuse amorce qui déclencha le reste. Comme une étincelle qui allume un chalumeau oxycoupeur aurait dit Cyril. Les yeux marrons clairs, légèrement teintés de jaune et le sourire de Sandrine avaient effacé toutes les autres filles qu’il avait préalablement repéré. Il la désirait elle et nulle autre. D’abord intéressée, elle succomba à la peau mate de ce tout jeune homme aux larges épaules. Ils dansèrent l’un en face de l’autre en se présentant avec maladresse sous un fond sonore à donner des acouphènes, puis lors de la série de slows, Sandrine ne se fit pas prier pour se caler dans les bras d’un Cyril qui n’eut pas à se creuser la cervelle pour dégoter la formule magique qui lui donnerait l’envie de l’embrasser. À peine leurs visages se trouvèrent face à face que leurs lèvres se joignirent, s’écartèrent et que leurs langues firent une humide et délicieuse connaissance. Laura Pausini chantait sa Solitudine pendant que Cyril et Sandrine s’embrassaient pour la première fois. Leurs camarades de sortie ne les virent plus de la soirée. La musique et l’alcool, étaient relègués au second plan. Seule la danse des langues avait désormais de l’importance. Discrètement confinés dans un recoin sombre, les tourtereaux ne se lâchaient plus et retenaient des gestes concupiscents de crainte de tout gâcher en allant trop loin. Cyril s’efforcait de camoufler l’érection qui tyrannisait son boxer et Sandrine ressentait une exquise chaleur humide dans son bas-ventre. Elle l’aurait volontiers laissé faire tout ce qu’il désirait, tout son corps le réclamait, mais c’était trop tôt, beaucoup trop tôt. Elle avait besoin de le connaître au-delà de son aspect sexuel aussi affriolant soit-il.
Il se séparèrent vers 4h du matin avec la ferme intention de se revoir le plus rapidement possible. Et c’est sans surprise que l’amour embrasa leurs corps dans la semaine qui suivit. Aucun des deux n’en était à son coup d’essai mais ils furent maladroits malgré tout, avant qu’un entraînement acharné ne les fasse progresser. Outre cette compatibilité intime, ils se découvrirent d’autres points communs comme passion du rugby, les séjours en Espagne et les soirées console de jeux. Ils travaillaient tous les deux via une agence intérim et leurs projets d’avenir s’accumulèrent. Leurs parents étant très ouverts, ils ne virent aucune objection à ce que leur progéniture décident de quitter le cocon familial pour s’installer tous les deux et se rendre autonomes.
Ce fut donc à Muret que leurs deux noms apparurent sur la boîte aux lettres d’un HLM quelconque mais dont leur appartement avait vue sur une Garonne large et tranquille. Comme la plupart des jeunes couples, leur mobilier se limitait au strict minimum. Tout était du premier prix à défaut du dernier cri, de l’électroménager de la cuisine aux étagères en pin massif dans la salle. Le bonheur y régnait en maître et très régulièrement des membres de leur famille ou des amis passaient leur rendre visite. Hospitaliers dans l’âme, jamais ils ne faisaient preuve d’agacement lorsqu’il fallait ajouter un couvert supplémentaire lors du dîner. Mais encore novice dans les formalités à remplir, ils se retrouvèrent un soir sans électricité pour avoir oublié d’annoncer leur aménagement à EDF. Ils se débrouillèrent à la lueur de bougies pour se doucher puis jouèrent à un colin Maillard des plus polissons avant de se coucher. Sandrine contacta le lendemain matin un fournisseur d’électricité pour qu’il en effectue la mise en service et tout rentra dans l’ordre dans les heures qui suivirent. Cyril aimait beaucoup rappeler ces anecdotes à ses neveux et nièces lorsqu’ils quittaient le domicile familial.

Il fut tiré de ses souvenirs par la voix muante de Lucas qui descendait les escaliers à toute blinde. Toujours enlacés, ses parents tournèrent la tête vers leur fils dégingandé. Il avait dépassé sa sœur et sa mère depuis la cinquième et était presque aussi grand que son père dont il avait hérité les traits. Il avait l’habitude de les trouver scotchés alors ne fut-il pas surpris de les voir s’embrasser ci et là.
- Papa, maman, vous êtes prêts ? La réunion débute à 18h dans la salle polyvalente.
- Mais oui, tu vois bien que nous sommes d’attaque. Il ne nous reste plus qu’à monter en voiture, Audrey a bien sa clef pour rentrer car je ne sais pas combien de temps ça va durer.
- Le moins longtemps possible, espéra Cyril qui n’était pas friand de ce genre de réunion, j’aimerais manger à une heure normale. Je ne suis pas fonctionnaire moi.
- C’est monsieur Carrot, le prof d’histoire-géo qui présidera la réunion et qui expliquera tout aux parents, précisa Lucas avec un rictus amusé.
Son père soupira car il connaissait le personnage. Un bon professeur doublé d’un beau parleur qui ne manquait jamais l’occasion de se mettre en valeur lors d’un discours. Il avait en outre la réputation d’embobiner les mères des élèves comme du fil de soie, usant sans retenue de son don de conteur pour en obtenir les faveurs. Sandrine qui savait lire dans son regard avec la perspicacité d’un médium anticipa sa réplique.
- Ne fais pas la tronche chéri, ça ne durera pas éternellement. Il va juste nous parler du voyage et des règles de sécurité. Tout le monde a envie de rentrer pour 19h mais c’est comme ça. S’il s’agissait d’une simple sortie d’un jour, nous n'aurions eu qu’à signer un formulaire et un chèque mais là ils découchent, c’est différent.
- Il fut un temps où tout était moins rigoureux et réglementé. Un temps où Lucas aurait pu chercher tes Marlboros au bureau de tabac en plus de la Voix du Midi sans être considéré comme un délinquant hors la loi.
- Peut-être mais c’est comme ça, conclua Sandrine en haussant les épaules. Il faut partir maintenant, nous n’avons plus le temps de refaire le monde.”

Des ralentissements apparaissaient au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du collège et ils eurent de la peine à trouver à se garer, preuve que de nombreux parents avaient répondu présent. Lucas repéra un copain accompagné de sa mère et lui fit signe avant de le rejoindre.
- Tu vois, il y a des pères qui ne viennent pas aux réunions, déclara Cyril avec dépit.
- Eh bien, peut être qu’il travaille ou qu’il a des petits à garder, répondit-elle patiemment. OH‼! Ah non, pas elle‼
Sandrine serra fort la main de son mari pour qu’il ralentisse afin d’éviter de croiser la source de son exclamation. Une femme qui fut dans sa classe au collège et qui eut un enfant la même année qu’elle accoucha de Lucas. Hautaine et prétentieuse, Marie Godard mesurait un mètre soixante quinze, se prenait pour une gravure de mode et n’adressait la parole aux autres femmes que pour se mettre en valeur. Sandrine la trouvait insipide et sa façon de se tenir droite lui donnait l’impression d’avoir un bouchon dans le postérieur. Elle aimait attirer l’attention des hommes les plus séduisants et bien habillés grâce au eyeliner noir qu’elle posait pour allonger son regard. Cependant, quoi qu’elle ait pu tenter pour les rendre enjôleurs, ses yeux n’eurent jamais l’intensité de ceux de la petite Sandrine Pastor.
- C’est ta copine Marie, ma chérie. Pourquoi ne vas-tu pas lui dire bonjour, demanda sarcastiquement Cyril ?
- Ça va pas non, répondit elle sans relever la blague. De toute façon, je suis sûre qu’elle nous a vu et qu’elle nous ignore. Regarde la faire sa fière cette pétasse. À quoi bon être aussi grande si c’est pour être aussi bas du plafond. Tu peux être certain qu’elle posera une question bateau à Carrot dans le seul but de se faire remarquer.
- J’ai l’impression que toutes les écoles sont pourvues de ce genre de personnage. Il suffit de ne pas s’en occuper et de ne surtout pas accepter de boire un café avec elle sinon tu ne peux plus t’en dépêtrer. Allons-y , ça va commencer.
La salle polyvalente de remplissait à vue d’œil et Sandrine s’empressa de choisir des places éloignées de la verrue sur échasses. Lucas se trouvait quelques rangs devant eux en compagnie de son camarade de classe. Des bruits stridents de frottements de chaises résonnaient mais les gens demeuraient silencieux dans l’ensemble. Monsieur Carrot se leva et se présenta avec la voix de stentor qui faisait sa réputation. Son visage était expressif et charismatique. Il portait un costume qui lui donnait de l’importance et faisait partie de ces professeurs qui ne laissait pas un élément perturbateur importuner ses cours.

“ Mesdames et messieurs, tout d’abord bonsoir et merci d’être venus si nombreux. Vous savez tous pourquoi vous êtes ici, le thème de cette réunion étant le voyage de fin d’année de nos élèves de troisième qui se déroulera sur deux jours à travers les fabuleux paysages du pays basque. Nous allons certes parler du circuit de la visite mais aussi des points de réglementation élémentaires qui changent très régulièrement d’année en année et Dieu sait qu’il y en a . Nous avons presque atteint l’objectif de faire partir 100% des élèves des classes de troisième ce qui est une réussite et ce bien entendu avant les épreuves du brevet des collèges. Depuis des décennies, le collège Pablo Picasso s’enorgueillit de permettre à ses élèves de participer à une sortie scolaire ludique et cette année sera exceptionnelle puisqu’elle se déroulera sur deux jours sous la surveillance assidue des accompagnateurs dont je ferai partie.”
Cyril dodelina exagérément de la tête pour exprimer son agacement. Ce prof ne cessait de discourir pour piétiner sans aller droit au but et il se demandait ce que les bonnes femmes pouvaient lui trouver. Elles semblaient toutes fascinées par son éloquence. Il se tourna vers Sandrine pour lui en faire part pendant le discours de Monsieur Carrot. Elle portait son sac à main sur les genoux et écoutait attentivement.
- Pffff, ça me prend déjà la tête. Tu crois que nous pourrons rentrer avant 21h ? Tel que c’est parti, je vais sauter mon repas du soir. Tu entends mon estomac qui me supplie de le remplir ?
- Chuttttt, répondit elle. Écoute au lieu de te plaindre. C’est intéressant !
- J’en ai rien à foutre que le quota d’élèves doit être supérieur à 90% pour que le voyage se fasse. Tout le monde vient, alors tant mieux et on passe à la suite.
- Soit un peu patient Cyril. C’est pour le voyage de ton fils. Regarde-le, il écoute lui !
Lucas donnait plutôt l’impression de tapoter sur son Wiko à côté de son pote. Cyril se redressa en inspirant puis maîtrisa ses nerfs et les appels désespérés de son ventre. Pendant ce temps, le professeur poursuivait son interminable monologue.
“Le conseil d’administration a voté la participation maximale des familles, soit la somme de 115€ et il vous appartiendra de décider du montant de l’argent de poche que vous fournirez à votre progéniture. Nous dormirons au domaine Oronozia à Saint Etienne de Baigorry qui est un gîte de groupe au pied d’un cirque de montagnes. Il est confortable, chaleureux et je me suis laissé dire que chaque chambre avait sa propre salle de bain privative. Naturellement, nous veillerons à ce le silence soit total à partir de 22h afin que nos élèves prennent un repos fort réparateur.”
Cyril fit une nouvelle grimace en entendant cette somme qui lui paraissait excessive. À ce prix là, il pouvait emmener sa femme dans une relais-château et sans subir une extinction des feux abusive.
“Nous vous déconseillons de leur fournir une somme d’argent trop importante pour des raisons de sécurité, toutefois je ne saurais trop insister sur le fait que nous ferons halte à la fameuse fromagerie Istara qui fabrique le Ossau-iraty au lait de brebis et croyez-moi que celui-ci est 100% pays basque et non une contrefaçon. Vos papilles ne sauraient mentir.”
Toutes la gent féminine poussa un “hummmm” de délice qui fit lever les yeux de Cyril au ciel d’exaspération. Il regarda Sandrine qui ne fit pas exception à sa plus grande stupéfaction. Certaines passaient même leur langue sur leurs lèvres. Quel baratineur celui là et en plus il osait parler de bouffe alors que l’heure du dîner était largement entamée ! Sandrine remarqua l’indignation comique de son mari et rougit légèrement en souriant. Elle n'avait pas l’air de s’ennuyer le moins du monde au cours de cette réunion. En observant autour d’elle, elle reconnu une douzaine d’anciens élèves devenus parents également puis réalisa la vitesse avec lequel le temps passait. Ceux là avaient l’air en bonne santé mais était-ce le cas de tous ses anciens camarades de classe ? Elle en douta fort.
Le discours se prolongea encore pendant une dizaine d’interminables minutes et s’en suivit les questions des parents dont la plupart ne valaient pas la peine d’être posées. Les enfants pouvaient ils emmener leur portable ? Le chauffeur du car soufflera t’il dans un éthylotest avant le départ ? Les accompagnateurs sont ils formés aux gestes de premiers secours ? Cette fois-ci, même Sandrine manisfesta le besoin de se lever et de quitter la salle polyvalente. Elle prit la main de son mari et poussa sa chaise en appelant son enfant comme le firent de nombreux autres parents. Une mère venue seule et vêtue d’une jupe courte et d’un tailleur s’approcha de monsieur Carrot pour lui poser d’autres questions futiles en cherchant de toute évidence à se faire passer pour une mère modèle alors ce fut l’occasion s'en aller sans se faire remarquer. En se dirigeant vers la sortie, elle se décala pour faire passer un autre couple puis tomba nez à nez avec Marie Godard. Il était impossible de ne pas lire la crispation sur le visage de Sandrine. Ses lèvres figées se courbèrent en un sourire quelque peu forcé puis Marie lui adressa la parole.
- Sandrine ! Alors, on ne dit plus bonjour ? lança t’elle avec un rictus hautain.
C’est bien à toi, pétasse, de me faire des leçons de politesse, se dit alors Sandrine. Elle se résigna néanmoins et se lança dans la conversation.
- Oups, pardonne-moi Marie mais avec toute cette cohue et cet interminable réunion, je ne suis plus aussi concentrée qu’en début de journée. Tu n’es pourtant le genre de femme qui passe inaperçue. Alors ton fils s’en va aussi en voyage scolaire ?
- Ben oui, tous les élèves de troisième partiront donc le mien aussi. Augustin et ton fils étaient dans la même classe tout au long de la primaire, donc il participe au voyage scolaire au même titre que le tien.
Les yeux bleus sans charme considéraient Sandrine avec une dose de mépris et de prétention qui ne l’aida pas à se ressaisir.
- Tu ne clamais pas à une époque que tu désirais l’inscrire dans le privé afin qu’il jouisse d’une scolarité hors norme qui l’aurait propulsé dans les études ? Nous ne sommes pas dans un collège privé autant que je sache.
- Jean-Pierre n’a pas jugé nécessaire de prendre de telles dispositions. Il estime qu’il pourra intégrer une grande école après avoir décroché son baccalauréat.
- Et au fait, il est où Jean-Pierre, demanda Sandrine en feignant de le chercher en tournant la tête ? Encore en voyage d’affaires ?
- Il se trouve qu’il a accompagné son équipe à Singapour, il a de très hautes responsabilités en tant que cadre supérieur ajouta t’elle en désignant furtivement Cyril qui faisait signe à Lucas de lâcher son portable pour rentrer à la maison. Il est un élément essentiel à la bonne marche de son entreprise.
Cyril ne releva pas la pique made in Marie Godart mais Sandrine sentit son sang battre dans ses tempes dégagées par sa chevelure tirée en arrière. On pouvait observer dans les grands yeux marrons l’imminence d’un grave danger envers ceux qu’ils fixaient. C’était l’arme silencieuse qui pétrifiait ses enfants lorsqu’ils dépassaient les limites de la tolérance et le signe annonciateur d’une réplique cinglante.
- Au moins mon propre mari dort-il à la maison ce soir et ne fréquente pas les salons de massage en extrême Orient. Je me charge moi-même de lui faire un modelage aux huiles essentielles au niveau du bas-ventre.
Marie écarquilla les yeux et haussa les sourcils devant la soudaineté de cette objurgation puis sa bouche s’ouvrit d’indignation en expirant un “oh” qui mit un point final à la courte joute verbale. Elle tourna les talons, appela son fils puis traversa le hall du collège en faisant résonner ses talons de colère sur le carrelage. Certaines auraient certainement sauté à la gorge de Sandrine pour avoir proféré de telles paroles, même à la sortie d’une réunion scolaire mais Marie réagissait souvent ainsi, en disparaissant jusqu’à la prochaine confrontation. Marie était si antipathique que Sandrine ne pouvait s’empecher de lui rendre ses méprisantes attaques avec la monnaie de leur pièce.
Elle était remontée à présent quoique très satisfaite d’elle-même. Cyril n’ayant pas jugé bon d’intervenir n’avait suivi l’échange que de loin. Il prit la main de sa femme et déposa un baiser sur sa tête en espérant faire baisser un peu la pression. Lucas les avait rejoint et ils se dirigèrent ensemble vers la sortie du collège. Il était presque 20h et il faisait nuit. Aussitôt à l’extérieur, Sandrine alluma une cigarette et tira profondément dessus.
- Je ne sais pas pour vous, mais moi je m’enverrais bien une bonne pizza, proposa Cyril d’un air guilleret. On commande à emporter ?
La proposition fut adoptée à l’unanimité. Sandrine fit le tour des innombrables et détestables défauts de Marie Godart pendant que Cyril conduisait en silence puis la bonne humeur reprit entièrement ses droits comme l’odeur des pizzas chaudes emplissait la Fiat 500 et faisait grogner leur ventre.

Dans la maison des Pastor attendait une Audrey affalée sur le canapé qui suivait les facéties des chroniqueurs de Touche Pas à Mon Poste tout en pianotant sur son smartphone. Contrairement au reste de sa famille, elle n’avait pas l’estomac dans les talons, un paquet de chips quasiment vide reposait sur son ventre ce qui supposait qu’elle avait pris de l’avance sur le site et du soir. Ses cheveux noirs détachés retombaient en une cascade désordonnée sur ses fines épaules et son visage exprimait la décontraction à l'état pur.
“Salut, lança t’elle joyeusement. Alors, c’est maintenant qu’on rentre ?”
Elle se leva en prenant soin de ne pas faire tomber de miettes de ships, connaissant trop sa mère pour prendre le risque de la mettre de mauvaise humeur. Tout en déposant une grosse bise sur les joues de ses parents, elle dit un check avec la main de son frère, terminant son salut par une croisée de petits doigts. Sandrine répartit les pizzas sur la table pendant que Cyril sortit une bouteille de Coca puis chacun entama le repas.
Personne ne parla durant les minutes qui suivirent, on n’entendait que des bruits de mastication et des grognements de satisfaction. La petite famille ne mangeait pas aussi tardivement d’habitude si bien qu’il n’y eût pas de restes. Cyril retint un rot en posant une main sur son estomac et une autre devant sa bouche, marmonna un pardon puis fit le point sur la fin de la journée.
- Je n’ai rien contre les réunions scolaires mais je les trouve plus agréables lorsque je ne suis pas présent. Je me suis profondément ennuyé au départ mais la fin ne manqua pas de piquant, n’est-ce pas chérie ?
Il souriait d’un air sarcastique en dévoilant un morceau de tomate collé sur une de ses incisives.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé, demanda Audrey d’un air intéressé ?
- Rien de si remarquable, précisa Sandrine. On a croisé Marie Godart à la sortie de la réunion puis elle m’a fait son numéro habituel. Elle mesure peut-être vingt centimètres de plus que moi mais ce n'est pas une raison pour me prendre de haut. Je ne l’avais pas vue se rapprocher, enfin disons plutôt que j’avais fait mine de ne pas l’avoir vue et je ne l'ai pas saluée Ce fut entièrement ma faute si on peut appeler cela une faute mais ce n’était pas la peine de s’emporter de la sorte.
- Cela dit, tu ne l’as pas loupée non plus chérie…
- Je me suis simplement défendue parce qu’elle s’est moquée de toi et de ta profession. Quelle prétentieuse celle là ! Elle aurait mieux fait de nous ignorer.
- Qu’est-ce que tu lui as dit maman ?
- Juste que ton père au moins rentrait le soir à la maison au lieu de fuir sa femme pour son travail dans un pays étranger.
Elle échangea un regard de connivence avec son mari. Elle ne pouvait tout de même pas expliquer à sa fille qu’elle avait traité Jean-Pierre de moulin à vent et insinué qu’il avait introduit de la pornographie dans sa vie de couple pour palier le peu de fréquence de ses rapports sa femme. Certes, elle y était allée un peu fort mais Dieu ce que ça faisait du bien !
- Son fils Augustin est plutôt sympa je trouve, reprit Audrey. Tu vas peut-être dormir dans la même chambre que lui lors du voyage scolaire Lucas. Après quoi vous sympathiserez au point qu’il viendra dormir à la maison pour jouer en ligne ensemble à GTA Online. Puis maman pourra boire le café avec sa mère en bas dans la cuisine quand elle reviendra le chercher.
- Rêve, répondit Lucas spontanément et sans préciser à sa sœur qu’il avait troqué le grand banditisme de GTA contre les zombies mutants de Resident Evil 7 depuis quelques semaines déjà.
- Et pourquoi pas Audrey ? ironisa Sandrine, je pourrais ajouter un nuage de lait périmé dans sa tasse pour qu’elle écourte sa visite et qu’elle réalise au-dessus de la lunette des toilettes qu’elle ne sera jamais la bienvenue chez moi . Il est hors de question qu’elle pose ses escarpins dans ma maison.
Elle s’efforçade prendre un air sérieux mais son rictus n’étais pas à hauteur de ses menaces.
- Bon, c’est vrai qu’il est sympa Augustin mais je n’en ferais pas un copain, juste une connaissance. Et puis j’ai déjà ma propre bande et c’est avec eux que je dormirai la nuit du voyage, avoua Lucas.
- Ce qui signifit que vous ne dormirez pas beaucoup, enchérit sa mère. Vous n’emmènerez pas d’alcool en cachette hein ? Je sais trop comment ça se passe pendant ces sorties.
Cette fois, elle ne plaisantait pas. Le fait d’avoir commis ce genre de bêtises dans sa jeunesse ne signifiait pas qu’elle tolèrerait que sa progéniture fasse de même.
- Mais non maman, répondit-il d’un air blasé.
- Et soyez sages avec les filles aussi. Que je n’apprenne pas que vous vous êtes introduits dans leur chambre à leur insue !
- Maman ! C’est dans plus d’un mois alors arrête de me harceler de conseils.
- Je dis ça pour ton bien, je suis ta mère et c’est normal que je me préoccupe de ton éducation.
- Sans parler de ce que Marie Godart pourrait colporter sur toi si elle apprenait que le fils à Sandrine était un petit voyou très pervers, enchaîna Cyril en lui adressant un clin d’œil.
Celle ci mit une claque sur la grosse cuisse de son mari avant de poursuivre.
- Ce que je veux dire, c’est que tu peux t’amuser Lucas mais que tu dois respecter certaines limites. Il y a ce qui est tolérable et ce qui devient répréhensible. Même si tu n’es pas coupable d’un fait, tu peux te retrouver impliquer et le conseil de discipline ne prendra pas en compte ta parole.
Lucas voyait où sa mère voulait en venir, trop de faits divers faisaient référence à des attouchements et des viols. Il n’était pas encore trop attiré par les filles mais il connaissait certains garçons de son âge très en avance sur le plan sexuel et qui exigeaient beaucoup trop à leurs copines. Et s’il n’y avait pas de mal à se rouler des pelles dans la cour de récré, passer à des actes nettement plus intimes comportait des risques sérieux comme choper une maladie ou mettre une fille enceinte. Mon Dieu, mais que dirait sa mère si elle venait à apprendre qu’elle allait devenir grand-mère d’une grossesse absolument pas désirée ? L’idée fut si insoutenable que Lucas la mit de côté pour penser à tout autre chose comme le moyen de débloquer le mode de l’asile dans Resident Evil 7. De quoi en devenir dingue n’est-ce pas ?
Considérant son expression candide et chahutée, Sandrine en restant là puis débarrassa la table. C’était la deuxième fois aujourd’hui qu’elle montait dans les tours si bien qu’elle s’en voulut envers son fils, mais pas envers Marie Godart, quelle peste celle-là ! Elle aurait désiré lui détailler les dangers liés à l’adolescence tels que l’alcool, la drogue et les mauvaises fréquentations avec plus de tact sans le troubler de la sorte. Au moins retiendrait’il la leçon, se dit elle.
Tout le monde quitta la table et s’installa devant le gigantesque écran plat pour regarder Capitaine Marleau. Il était hors de question pour Sandrine de se coltiner Recherche appartement ou maison avec Stéphane Plaza !

Deux heures plus tard sur le lit conjugal, Sandrine baillait tout à son aise , écartant les bras et ne laissant plus de place à son mari pour s’allonger. Elle portait une nuisette en dentelle qui révéla l’absence de culotte alors qu’elle s’étirait. Lui ne portait qu’un boxer et préférait dormir torse nu. Il s’était assoupi tout à l’heure devant la télé, la pizza ayant activement fait travailler son appareil digestif, mais il était parfaitement éveillé à présent. Il s’allongea à côté de sa femme puis posa une main sur une de ses cuisses en la caressant lentement. Ses doigts remontèrent le long de son corps en l’effleurant tout en relevant la nuisette jusqu’à dévoiler sa poitrine. La peau hâlée de Sandrine, douce comme les plumes d’un oiseau, ouvrait immanquablement l’appétit de Cyril.
- Ta tension est enfin retombée ma chérie, constata Cyril en déposant des baisers sur son ventre. Je peux enfin te toucher dans risquer de m’électrocuter. Peut-être devrais-je m’en assurer définitivement en vérifiant plus en profondeur.
- Avant de jouer les spéléologues, tu ferais mieux d’explorer la surface avec plus d’appétence. J’ai encore besoin de me détendre.
- Je crois que je vais d’abord me mettre à la conquête de quelques sommets, tu as raison, fit-il en approchant sa bouche de ses seins, faisant glisser le bout de sa langue comme la pointe d’un feutre.
Cyril s’attarda longuement sur les tétons ultrasensibles, les faisant durcir comme des cailloux. Il se laissait guider par les longs soupirs de Sandrine dont la main gauche se posa sur le tissu du boxer. Elle libéra l’objet de son désir, estimant qu’il avait grandement besoin de prendre l’air puis le serra comme si elle avait peur qu’il ne s’envole. Le sang qui irriguait le phallus pulsait contre sa paume et Sandrine eut soudainement envie de la secouer très fort.
- Au fait chérie, c’était quoi ce fameux modelage aux huiles essentielles dont tu parlais tout à l’heure, demanda t’il avec malice ?
- Si tu veux le savoir, il faudra sortir les huiles essentielles du tiroir de la table de nuit. Mais dis-donc toi, je ne savais pas que tu avais le droit de toucher aux parties intimes de la masseuse. Vas-y, ne te gêne pas, dit-elle en écartant généreusement les cuisses.
Et Cyril ne se gêna pas en effet. Ses doigts s’agitèrent entre ses lèvres et firent rapidement vibrer Sandrine. Il se redressa pour s’installer au-dessus d’elle et la pénétra avec un plaisir familier mais toujours aussi enchanteur et la soirée s’acheva de la plus belle des manières.

Le lendemain matin, Sandrine embrassa une dernière fois son mari dans leur rue avant qu’il ne monte à bord de sa voiture pour se rendre au travail. Elle inspira ensuite profondément pour sentir le parfum de chlorophylle émanant de sa haie impeccablement taillée puis se mit au volant de sa Fiat 500. L’épisode de la veille était oublié et une nouvelle journée commençait. Rien ne laissait présager l’événement marquant qui se déroulerait et qui ferait prendre un tournant à sa vie.

La matinée fut pourtant des plus ordinaires. Il fallut traiter entre autre des dossiers de réalisation de travaux, répondre aux exigences des clients et préparer les quittances de loyer. Ce n’était pas le poids de la pression qui écrasait Sandrine mais il ne fallait pas non plus que les pauses café se transforment en coupure déjeuner. Il y avait du travail en abondance et personne ne s’en plaignait. Un locataire très désagréable vint se plaindre de radiateurs qui ne chauffaient qu’à moitié dans son appartement et se fit éconduire par une madame Pastor très à cheval sur les bonnes manières et le savoir-vivre. “Revenez lorsque vous serez calmé, monsieur, nous ne sommes pas responsables des effets du temps qui passe dans votre logement. Ensuite nous pourrons régler votre problème de chauffage !” Deux minutes plus tard, monsieur Antipathique passa à nouveau la porte vitrée ET en disant bonjour sans s’énerver. Dix minutes plus tard, il ressortit avec l’assurance d’être dépanné dans les jours qui allaient suivre. Une tâche rondement menée par une Sandrine respectueuse des règles de la courtoisie, du moins sur son lieu de travail, et que Carine gratifia d’un hochement de tête approbateur.
Cependant, un visiteur du mercredi très indésirable fit une apparition beaucoup plus percutante en début d’après-midi. Pascal Fugier gara de travers sa 206 Peugeot à la carrosserie bosselée qui n’avait visiblement jamais fréquenté de portique de lavage face à la vitrine de l’agence puis descendit avec le visage d’une personne peu encline à échanger d’aimables paroles. Le gaillard d’un mètre quatre-vingt cinq n’avait pas une démarche très assurée et Sandrine remarqua d’un œil inquiet les poings qu’il tenait serrés. Il avait l’attitude d’un homme prêt à en découdre, aussi instable qu’une éprouvette remplit de nitroglycérine et lui rappela le rôle de Vincent Cassel dans La Haine. Celui d’un type difficile à maîtriser lorsqu’il sortait de ses gonds. Il passa la porte sans dire bonjour bien entendu puis oberva les employées de ses yeux globuleux.
- Nous pouvons vous aider monsieur ? demanda Sandrine qui s’efforça de rester pro.
- Oui vous pouvez, répondit-il à la volée. C’est quoi encore ce courrier qui dit que je dois apporter une attestation d’assurance et que je fais chier les voisins ? J’ai poireauté plusieurs mois lorsque j’ai demandé une clef pour le garage à vélos de l’immeuble et vous ne pouvez pas attendre quelques jours pour un papier à la con.
- Calmez-vous monsieur, commença Sandrine, ça n’arrange rien de vous énerver de la sorte. C’est une formalité commune à tous les locataires et qui vous protège en cas de…
- En cas de quoi ? Putain, j’vais pas foutre le feu dans mon appart. Je paye mon loyer, ça ne vous suffit pas ?
- Il y a aussi que de nombreux voisins se plaignent du bruit et ce, à des heures très tardives monsieur Fugier. Que vous tapez contre les murs et que vous criez dans cage d’escaliers. Et je vous ferai remarquer que je n’ai jamais usé de termes aussi vulgaires dans les courriers que je vous ai envoyé.
Les yeux injectés de sang s’ouvrirent encore plus. Sandrine se demanda comment ils faisaient pour pas sortir de leurs orbites et rouler sur le sol comme deux grosses agates. Il n’y avait rien de surprenant à ce qu’il fasse peur à ses voisins, il n’était pas le genre de type que l’on aimait croiser dans un escalier. Il s’approcha du bureau en respirant très fort. Sa nervosité était si palpable que Sandrine aurait pu la couper au couteau. Instinctivement, elle s’appuya contre le dossier de son fauteuil dans un geste de recul. Cette bombe à retardement n’allait pas être facile à désamorcer. Il avait d’ores et déjà franchi une limite non autorisée de la part d’un client et Carine intervint pour l’aider. Malheureusement, il fallut qu’elles ne soient que deux dans l’agence à ce moment précis puisque Frédéric se chargeait d’un état des lieux à plusieurs centaines de mètres de là. Il n’aurait certainement pas été la personne idéale face à cette plaie mais au-moins était-il un homme et donc quelqu’un de plus impressionnant que deux frêles dames inoffensives.
- Les voisins je les emmerde, poursuivit-il, et s’ils ont un problème avec moi alors je me ferai un plaisir de le régler.
- Monsieur Fugier, je vais vous demander de rester correct et de sortir de l’agence, ordonna Carine. Nous ne discuterons pas avec vous tant que vous serez dans cet état de nervosité.
Il se tourna vers elle sans manifester la moindre intention de quitter les lieux. Il dégageait une légère odeur alcoolisée et il était difficile de savoir si la rougeur de son visage était dû au whisky bon marché qu’il ingurgitait ou à la seule colère. Forcément, le mélange était explosif. Des veines pulsaient sur ses tempes dégarnies alors qu’il s’approchait dangereusement jusqu’à s’immobiliser à une trentaine de centimètres de Carine, la dominant de toute sa hauteur.
- Et vous, vous avez un problème ?
Carine recula en vacillant, une main tendue en avant pour maintenir une distance de sécurité et une autre derrière pour prévenir tout obstacle risquant de la faire chuter. Sa voix avait perdu en assurance mais elle s’efforça de garder une certaine contenance.
- Qu’est-ce qui vous prend ? Reculez, voulez-vous ?
- Et pourquoi donc ? Vous ne reculez devant rien pour m’emmerder d’habitude !
- S’il vous plait monsieur, arrêtez ça tout de suite. Vous avez bu, vous n’êtes plus vous-même. Je vais devoir prévenir la police si vous continuez.
Elle parlait très fort, en proie à une panique incontrôlable et au lieu de parvenir à enrayer le début de l’agression, la réflexion liée à la boisson et la menace de faire intervenir les forces de la police rendirent Pascal Fugier encore plus nerveux et frustré. Cette fois, il attrapa le poignet de Carine qui poussa une exclamation d’effroi puis le serra très fort ce qui la fit crier et se débattre avec impuissance.
Sandrine se leva instantanément, contourna son bureau et se précipita au secours de sa collègue en sommant à la brute d’arrêter son cirque. Elle se jeta sur lui dans l'espoir de lui faire lâcher prise mais il interrompit cette tentative désespérée de son autre bras. Il l’écarta avec force et Sandrine poussa un ooohhh‼‼! tout en se sentant projetée en arrière, atterrissant sur le dos et se cognant douloureusement la tête sur le sol. Elle en eut le souffle coupé et vit quelques étoiles. Carine hurla son prénom et tenta de frapper et griffer le visage à l’expression sauvage et impitoyable, mais ses coups étaient dénués de puissance et l’homme encaissa sans broncher. Il leva à nouveau son bras libre et gifla sa victime en la traitant de salope, un geste qu’il maîtrisait à la perfection pour en avoir fait usage très régulièrement sur sa femme. Le coup fut fulgurant, comme si elle avait heurter une branche de la tête en faisant du VTT, et la fit valser contre son bureau. Ses lunettes volèrent à travers la pièce et elle chuta lourdement sur le poignet qu’elle avait réussi à libérer en poussant un hurlement de douleur.
Pascal la regarda recroquevillée sur le sol en gémissant et se tenant le poignet puis tourna la tête vers Sandrine encore un peu sonnée qui commençait à se redresser. Celle ci avait une main posée derrière sa tête, là où elle s’était cognée et regardait son amie avec une stupéfaction horrifique.
- Alors vous êtes contentes ? beugla t’il d’une voix éraillée. Vous voyez ce que vous avez gagné ? Appelez la police et vous aurez droit à plus qu’une simple raclée. Ne me cassez plus les couilles et ça roulera pour tous. Maintenant je me barre, ça pue ici.
Il claqua la porte vitrée et quitta l’aire de stationnement comme si de rien n’était. Sandrine qui était encore en état de choc n’en revint pas. Elle se sentit soulagée de le voir disparaître mais surtout fébrile et furieuse au fond d’elle même. Cette scène s’était déroulée en moins d’une trentaine de secondes et lui avait semblé durer une éternité. La stupéfaction laissa rapidement place à une frustration telle que des larmes coulèrent le long de ses joues. Elle vit Carine recroquevillée sur le sol, sanglotant tout en tenant son poignet droit dans sa main gauche et se précipita vers elle.
- Carine, Carine ! Oh Carine tu as mal, mais qu’est-ce qu’elle t’a fait cette sale brute ?
Elle l’enlaça en prenant garde à ne pas toucher sa blessure. Carine reposa sa tête sur son épaule et se reprit peu à peu. Cette douce étreinte la requinqua et elle fut reconnaissante envers Sandrine.
- Il faut fermer l’agence en attendant le retour de Frédéric et prévenir tout de suite la direction, annonça faiblement Carine. Ne touche à rien Sandrine ! Il faut tout laisser en cet état pour le faire constater à la police. Il ne perd rien pour attendre celui-là…
Oh non, se dit alors Sandrine la rage au ventre, Pascal Fugier entendra très bientôt du pays. Elle verrouilla la porte de l’agence, retourna le panneau sur la face “fermé”, se dirigea vers le téléphone de son bureau et suivit les instructions à la lettre.
Ne pas craindre d’être lent, mais craindre de s’arrêter !!!
Vacma
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Re: Rencontre Capitale premier chapitre.

Message par Vacma »

lettre.

Frédéric fut de retour une demi-heure plus tard. Un véhicule de la police nationale et une camionette de pompiers étaient stationnées devant l’agence. Il s’empressa de connaître la raison de cet attroupement en espérant que rien de tragique ne se fut produit. Quand il découvrit le bureau de Carine en désordre et les présentoirs renversés, son sang se figea.
Des policiers prenaient les lieux en photo pendant que d’autres interrogeaient Sandrine et Carine, ce qui signifiait au moins qu’elles étaient en vie. Le ton de leur voix trahissait un trouble émotionnel mais pas de souffrance physique intolérable. Un pompier était en train de faire un bandage serré au poignet de Carine. Elle se frottait beaucoup le côté gauche du visage. Un autre soldat du feu lui faisait faire quelques mouvements légers de la tête pour vérifier ses cervicales. Frédéric ressentit soudainement une vague de remords l’envahir pour avoir pris le temps de papoter avec de nouveaux locataires. S’il n’avait pas refait le monde avec ces gens sympathiques, il aurait peut-être pu être présent au moment des faits.
- Mon Dieu, Carine, mais que s’est-il passé ici ? Vous vous êtes faites agressées ? Ohlala, et je n’étais même pas là pour vous défendre ou vous aider à gérer la situation.
- Pascal Fugier vient de nous faire l’honneur de sa présence et tu n’as pas à culpabiliser pour ton absence. Non seulement tu ne pouvais pas savoir mais en plus cette brute était incontrôlable.
- Une entité masculine aurait même pu empirer les dégâts, renchérit un des policiers. La présence d’un homme l’aurait peut-être contraint de faire usage de toute sa force physique, par défit et par fierté.
- Voilà qui me fait une belle jambe monsieur le policier, grommela Frédéric.
Daniel Croze arriva à son tour, une expression peinée sur le visage. Il salua les agents des forces de l’ordre et les pompiers en les remerciant de leur professionnalisme puis s’intéressa de plus près à ses employés meurtris suite à cet épisode traumatisant.
- Carine, Sandrine, je ne trouve pas les mots pour exprimer mon embarras. Soyez certaines que monsieur Fugier aura des comptes à rendre et des excuses à faire. Je n’aurai de cesse qu’il ne vous les ait faites. Par ailleurs, je vais prendre toutes les dispositions pour que vous voyez le médecin du travail au plus vite et qu’il vous procure les soins et un arrêt de travail qui s’imposent.
Chacune l’écoutait avec attention et gratitude. Sa voix était chaude et réconfortante, à l’égal de son charme. Sandrine remarqua l’attention toute particulière qu’il apporta à Carine qui travaillait à ses côtés depuis la création son entreprise. Celle-ci se laissa dorloter très volontiers en exagérant légèrement sa position de victime. Ce qu’il devait être bon de se faire soutenir par un homme doté d’un tel magnétisme !
- Ohhh, monsieur Croze, pleurnicha Carine. Ce n’est pas en votre présence que cet être en serait venu aux mains. J’ai eu si peur qu’il ne s’acharne sur moi et sur cette pauvre Sandrine. Dieu merci, il s’en est allé mais en proférant de lourdes menaces. Comment être sûr qu’il ne les mette pas à exécution ?
- J’en fais mon affaire Carine. Vous aurez droit à un soutien psychologique et de tout le temps nécessaire pour vous remettre. Je ne suis pas le genre d’homme à faire travailler ses employés alors qu’ils ont été victimes de violences. Et tout particulièrement lorsqu'il s’agit de mon employée favorite.
- Monsieur Croze, enfin ! gloussa Carine en rougissant jusqu’aux oreilles.
Sandrine dû se retourner pour masquer un rire qui força les traits de son visage. Elle avait l’impression d’assister à une scène de réconfort entre Miss Fine et Monsieur Sheffield dans la série Une Nounou d’Enfer. Cependant, cette scène quelque peu ampoulée l’avait mise mal à l’aise si bien qu’elle accompagna les agents des forces de l’ordre sur la devanture de l'agence. Elle sortit une cigarette de son paquet mais il lui fallut un peu de temps pour l’allumer. Ses mains ne cessaient pas de trembler.
Ne pas craindre d’être lent, mais craindre de s’arrêter !!!
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