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- Allo ? Salut ma belle, c'est F. Comment vas-tu ?
14 ans que je bosse avec lui. Et il n'y a que lui qui m'appelle "ma belle", et que lui pour se croire obligé de dire qui il est.
- Bien. Que puis-je pour toi ?
Restons factuelle, ça évitera à F. de m'entraîner sur les pentes savonneuses de sa séduction toute orientale.
- Tu veux venir à Cannes, au festival, avec moi ?
What ? Cela mérite réflexion...
- Tu veux parler de la World Game Cup ?
J'essaye de gagner du temps, je sais qu'il parle du festival de cinéma... Mais j'ai besoin de cogiter pour savoir si oui ou non j'y vais.
- Ma belle (voix hyper caressante), je t'ai déjà dit que les seuls joysticks qui m'intéressaient maintenant, étaient les seins des femmes, comme les tiens par exemple.
Incorrigible. Plusieurs fois repoussé, jamais découragé, mais pas rancunier. Et notre collaboration professionnelle est parfaite.
- Je veux bien aller à Cannes, mais je ne veux pas dormir dans ta chambre.
- Nooooooonnn... Tu dormiras avec Caroline, elle sera là-aussi.
Là, mon regard s'éclaire : Caroline, rigolotte, vivante et très belle. Des moments sympas en perspectives.
- Si tu avais commencé par là, j'aurais dit oui tout de suite !
- Cela ne coûte rien d'essayer, hein ma belle ? Comme ça j'aurai ma femme de l'ombre et ma femme de lumière avec moi, au festival de Cannes. C'est top non ?
F. est un jeune scénariste plein d'avenir, de grosses maisons de production lui font des courbettes. C'est un magnifique travailleur acharné, très érudit dans son domaine, le cinéma, et j'ai beaucoup d'admiration pour lui. Je suis sa femme de l'ombre, parce que je corrige ses écrits depuis belle lurette, j'effectue des recherches documentaires pour lui. Caroline, elle, est son attachée de presse, elle le met dans la lumière. C'est marrant, elle est aussi blonde que je suis brune. On fait une belle équipe tous les trois. On complète bien F.
Bon, c'est pas tout ça, il va falloir penser aux valises. Je suis un peu désorientée. Je vis comme un ermite. J'ai perdu l'habitude de me déguiser en animal sociable, mais j'ai tellement envie de faire cette plongée dans le monde de l'actualité, que je me fais un après-midi shopping.
Une sorte de pétage de plombs financier. Comme je n'en ai pas fait depuis longtemps. Je commence par une boutique où j'achète deux t-shirts, un de forme débardeur écru, l'autre kaki. J'aime bien les styles pseudo-militaire. Une jupe safari, toute boutonnée sur l'avant, longue. Un pantalon noir, en jean. Une robe longue et fluide, pour les soirées, très tendance cette année. Comme on est à Cannes, j'investis dans un maillot. Je me la joue Hollywood : une pièce noir avec un anneau argent, entre les seins, légèrement drapé sur un côté. Et puis tant qu'à faire, une jolie capeline légèrement transparente, pour le soleil, et des lunettes noires. Prochaine étape : la lingerie. J'aime ce qui est beau, mais pas au point d'y sacrifier mon confort. Un bel ensemble en dentelle moka, avec un ruban ivoire qui serpente le long du décolleté et un autre, imitation tissus camouflé, mais très féminin quand même. Dernière étape, les chaussures : une paire de fines sandales plates, dorées et des ballerines, plus confortables, pour cavaler de partout.
Je rentre chez moi, contente de mes achats et un peu excitée à l'idée de ce voyage inattendu. Mes billets d'avion sont déjà là. F. fait les choses en grand, cela me fait sourire.
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L'avion vient d’atterrir à l'aéroport de Cannes-Mandelieu, je dénote beaucoup dans cet aéronef dédié aux voyages d'affaires, où il n'y a que des hommes en costumes coûteux, des femmes en tailleur-armure gris ou noir, avec des chignons bananes et des lunettes rectangles aux montures foncées. Je me plonge dans mon Fluide Glacial, bien heureuse d'être en jean, en tongs et en pull léger. Je débarque et je cherche F. , sans le voir. Une main se pose sur mon épaule, je me retourne et me trouve face à Caro. Belle, éclatante, bronzée, l'oeil étincelant. Je lui souris.
- Bonjour femme de la lumière, je ne te demande pas comment tu vas.
Elle m'embrasse en éclatant de rire, pleine de vitalité.
- Bonjour femme de l'ombre. Le grand homme est retenu par des journalistes, il n'a pas pu venir, je t'emmène à l'hôtel.
Je m'installe à côté d'elle, dans le coupé sport, décapotable. Le soleil est intense et je me dis que je ne vais pas échapper au coup de soleil. Pendant une seconde, je songe à fouiller dans un sac pour y prendre de la crème et ma négligence habituelle reprend le dessus. Tant pis, j'aurai le nez rouge. Un tube de crème se matérialise sous mon regard. Caro est une femme prévoyante :
- Protège-toi, tu vas avoir le nez tout rouge.
J'obtempère en souriant. Sacrée Caro : pas étonnant que F. ne puisse se passer d'elle. Nous arrivons à l'hôtel. Je m'apprête à prendre mes valises, quand un sourcil à la fois interrogateur et dédaigneux de Caro me stoppe net dans mon geste. Ah oui, c'est vrai. Larbin-Land. Un groom s'est emparé de mon sac et cherche désespérément autre chose.
- Madame, vous n'avez qu'un sac ?
- Oui.
Nous arrivons dans notre chambre. Caro me demande dans quel lit je veux dormir. Cela m'est purement égal. Je vais sur le balcon et je me repais du spectacle de la méditerranée. Si bleue. Si intense. C'est tellement différent chez moi. Mon mutisme ne plait pas à Caro, elle saute sur un lit, ouvre mon sac et veut voir ce que j'ai emmené. Elle commence à ranger mes affaires, pour qu'elles ne soient pas froissées, elle "adoooooooore" ces tenues style "colonial" (pour moi c'est militaire, pour elle c'est colonial).
- Oooooohhh c'est super mignon ça !
Elle examine avec attention mon soutien-gorge couleur café. Moqueuse, je réponds :
- Ce que je mets sur mes seins, tu pourrais le mettre sur ta tête.
Caro est très fine, très élancée. Je suis loin d'avoir son physique éthéré. La voilà qui exhibe du bout des doigts une nuisette en soie, couleur taupe. Elle saute devant le miroir et la place devant elle et fait une moue.
- Ces couleurs sont bien sur toi, sur moi, ça fait terne.
Et elle l'accroche délicatement sur un cintre. C'est le moment que choisit F. pour faire irruption dans la chambre. Il sent le champagne et le jus d'orange, en plus d'une eau de toilette fort coûteuse. Il fonce vers moi, m'écrase entre ses bras, dans une étreinte mi-people, mi-sincère. Me demande si j'ai fait bon voyage, n'écoute pas la réponse et explique qu'on est attendu à tel endroit, pour manger avec telles personnes.
C'est parti pour le tourbillon.
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Nous sommes au restaurant, j'aurais voulu partager un repas avec des gens de culture. Il n'y aura que des gens d'argent. Des investisseurs. Ils sont là pour chercher un poulain et accessoirement pour savoir qui peut les fournir en coke. F. est un sacré challenger, en matière de poulain, même s'il passe son temps à vanter ses talents d'étalon.
Le repas s'annonce long et ce que j'avais vu comme une fête, promet d'être un long pensum de trois jours. Caro glousse et se trémousse à côté d'un Brunéien. F. un énorme cigare à la bouche, écoute les paupière mi-closes un producteur lui expliquer la rentabilité de certaines histoires. F. a beau être intégré à ces univers, il ne bosse qu'avec des gens authentiques, qui croient en lui. Je sais qu'il est capable d'envoyer balader tout le monde si ça ne se passe pas comme lui le souhaite. Au grand dam de Caro, qui plusieurs fois a dû essuyer les plâtres de ses humeurs.
J'ai l'impression d'être au milieu d'un champs de manchots, avec toutes ces voix qui se mélangent... Français, anglais, allemand, espagnol.
Un monsieur âgé, un photographe qui avait eu son heure de gloire, à la période dorée du cinéma américain d'après-guerre, engage une conversation avec moi. Je m'intéresse beaucoup à ce qu'il a fait, le matériel qu'il utilisait, les personnalités qu'il a rencontrées, comment il a appris son art. Il en est tout guilleret : il a l'impression d'exister à nouveau. Ce n'est pas de la flagornerie de ma part, mon intérêt n'est pas feint et grâce à lui, je passerai une soirée somme tout assez instructive et amusante.
La fatigue commence à se faire sentir. La distance Brest-Cannes aussi. Je prends congé discrètement de tout le monde et repart à l'hôtel. Un peu paumée, un peu désorientée et déprimée à l'idée de ces trois jours de contrainte. Je me couche après une bonne douche et un gros soupir. Excédée de moi et de mon insatisfaction chronique. Bizarrement, je m'endors d'un seul coup.
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On frappe à la porte. Une femme de chambre entre. Pose un magnifique plateau de petit déjeuner, me sourit et va ouvrir les rideaux. Un torrent de soleil inonde la pièce. Je tourne la tête vers l'autre lit, il n'est pas défait. Caro a passé la nuit ailleurs, manifestement.
- Madame, où souhaitez-vous prendre votre petit déjeuner ?
Le balcon et sa superbe vue me semblent tout indiqués. Je la remercie gentiment et lui souhaite bonne journée. Elle est un peu surprise du cas que je fais de sa personne, me remercie en souriant et m'en souhaite tout autant.
Je commence à savourer mon petit déjeuner, lorsque j'entends une voix que je connais bien :
- Salut ma belle, on peut s'incruster ?
Je regarde au-dessus de mon balcon : F. est hilare et respire la joie de vivre, Caro est ébouriffée et a l'air d'une chatte heureuse. Je comprends qu'ils ont passé la nuit ensemble et en ont bien profité. Bien entendu, je leur dis qu'ils sont les bienvenus. Et ils débarquent avec leurs plateaux, en riant de la soirée qu'ils ont partagé et des succès futurs de F.
Caro, par pure convention, me demande si je ne suis pas vexée qu'elle ait dormi ailleurs et surtout, qu'elle ait l'intention d'en faire autant les nuits qui suivront.
- Caro, tu as beau être une femme absolument magnifique, je ne comptais pas sur toi pour me libérer de ma frustration sexuelle.
F. saute aussitôt sur l'occasion :
- Tu es frustrée sexuellement ?
Il s'imagine sans doute déjà dans un lit, entre moi et Caro. Je souris et je lui réponds que mes frustrations sexuelles ne trouveront pas de remède dans un intermède à trois. Caro et lui échangent un petit haussement d'épaule résigné. Les saligauds, ils avaient déjà prévu le coup !
Caro m'annonce le programme de la journée, je lui demande si c'est une obligation pour moi de le suivre, parce que j'ai vu des expo intéressantes à faire, enfin bref, j'ai envie d'être en solo. Les bimbos, les financiers, les stars et leur staff en dehors du monde nécessitent un tel effort d'adaptation de ma part, que je préfère mener ma vie pour ces trois jours.
Caro est compatissante :
- Non, c'était pour te sortir un peu de ton isolement. Tu es totalement libre de ton emploi du temps, profites-en pour te reposer. Je pense que tu en as besoin.
Je la regarde sans rien dire. On échange juste un long regard. Elle a vu, elle a compris sans savoir les circonstances, mais oui, je suis au bout du rouleau. Putain, non, pas les larmes, je sens mes yeux devenir trop brillants. F. me serre contre lui et me roule une pelle digne de "Tant qu'il y aura des hommes".
- Mais arrête ! T'es con ou quoi ?
Je suis ulcérée. Caro se marre. F. m'explique que c'était pour me changer les idées, et qu'il avait déjà pensé à parer la baffe, qui ne manquerait pas de venir. Le pire, c'est qu'ils arrivent à me faire rire, avant de s'éclipser. F. en peignoir, ne songe même pas à rendre plus discrète une érection, que l'on devine sous le tissus nid d'abeille. Allez, ouste, dehors les bonobos ! Cela dit, ces deux obsédés ont réussi à ramener un sourire sur mon visage.
Je vais profiter de la grande baignoire qui me fait de l'oeil. Si je laisse toutes les portes ouvertes, le soleil arrive jusqu'à elle.
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J'ai de l'eau jusqu'au menton. La mousse flotte par plaque. La pointe de mes seins émerge. Mes pieds sont sur le rebord et ma nuque bénéficie d'un coussin, tout ce qu'il y a de plus agréable. Même le bip d'un SMS ne parvient pas à me tirer de ma torpeur bienfaisante. Je m'endors à nouveau. C'est la température de l'eau qui me réveillera : froide. J’émerge, ruisselante, la peau hérissée de froid. Vite une serviette.
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Il faut que je vois ce que c'est ce SMS : les enfants, F. ou Caro ?
" La mer est chaude, les poissons me disent bonjour, une journée à plonger dans le bonheur".
Je souris. Il n'a pas besoin de signer, je sais qui c'est. Il aime la musique, comme moi. Il s'appelle O. Je l'avais connu peu après une déception sentimentale, sur un site pour adultes. Un gros coup de coeur mutuel : des goûts communs, un même trouble. Il semblait aussi réservé que moi.
Je lui réponds : "Je confirme que la mer semble chaude et les poissons m'ont dit qu'ils t'avaient vu".
Sa réponse "Serait-ce des poissons à réaction ?" . C'est logique, il me croit à Brest.
Ma réponse "Non, des poissons à Cannes".
10 minutes sans SMS. Je me dis que je n'aurai pas de nouvelles. Je m'apprête à sortir mais le téléphone sonne.
- Bonjour Chère Toi. Tu es dans le sud ?
- Oui, cher O. Jusqu'à lundi. Comment vas-tu ?
- Bien, on en profite pour se rencontrer ?
- Volontiers.
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Je mets ma jupe, mes ballerines et hop, c'est parti. Je dois l'attendre au Park 45, un superbe restaurant qui a vue sur la mer. C'est important pour moi, d'avoir une vue sur l'eau. Cela me détend toujours.
Je profite du chemin pour faire un flash-back sur mes souvenirs virtuels avec O.
La première fois que je lui ai parlé, c'était suite à un poème que j'avais écrit, qui l'avait troublé. Il m'avait félicité et fait part de son émoi. Ce n'était pas le premier compliment que je recevais, à propos de cet écrit. Mais lui, je l'avais mis à part. Son avatar le représentait torse nu, avec une chemise en jean. Et j'avoue un certain fétichisme de la chemise en jean. Il était extrêmement courtois, sa culture musicale me plaisait. Un jeu de séduction s'était établi entre lui et moi. Il m'envoyait des photos et s’enivrait des mots qu'il m'inspirait.
Je postais plus tard une photo de moi, dans une galerie. Une photo où je portais un blouson de cuir, sans rien dessous, juste un sautoir de perles qui tombait entre mes seins. Cette photo l'avait rendu fou. En partie, parce que le blouson lui rappelait une combinaison de plongée. O. est un plongeur émérite, qui a parcouru bien des mers et océans. C'est aussi un skipper averti. Il a 46 ans.
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Nous nous retrouvions tous les soirs sur le net. Dans la bulle.
Un soir, il a pourtant disparu, pendant une semaine il n'est pas venu. Lors de son retour, il m'avait confié qu'il s'était imposé cette séparation, afin de mesurer la place que je prenais dans sa vie. Une place toute virtuelle, certes, mais faites d'habitudes.
Et un soir, lui comme moi, en manque d'affection avons cédé à des échanges très sensuels. Pas pornos, mais véritablement un long serpent sinueux d'attirance, sur lequel des mots tendres sont venus se greffer. Comme il n'aimait pas plus que moi ce type d'expérience, nous ne l'avons pas renouvelé, mais la force de l'élan nous avait surpris.
Après il a disparu de longs mois, et j'avais choisi de ne pas relancer. Pas envie de me planter encore une fois. Il est revenu et m'a parlé de sa vie, la vraie, hors de la bulle et de son divorce, juste après notre interruption. Et je ne l'en avais trouvé que plus émouvant. On s'était à nouveau réuni sur le net, pour nos échanges nocturnes : musiques, voyages, travail. Nous parlions de tout. Mais je ne voulais pas glisser dans une relation sans lendemain : il était loin, avait deux enfants en garde partagée, donc impossible pour lui de bouger, impossible pour moi de quitter ce que j'avais mis tant d'années à construire. Bref, une impasse, mais on avait su éviter les dégâts émotionnels, ce qui n'était déjà pas si mal.
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J'arrive devant le restaurant, un peu nerveuse à l'idée de cette rencontre, qui a commencé à l'envers. Nous avions échangé une fois quelques mots au téléphone, mais il était aussi timide que moi. L'expérience en était restée là, mais régulièrement, il laissait des messages sur mon portable, ou des photos par mail et j'aimais la qualité de cet échange.
Je suis surprise de le voir déjà attablé, logiquement, il devait arriver après moi. Je m'arrête et le dévisage un peu, de loin. Il me séduit avec ses cheveux bruns, son regard foncé et perçant. Ses longues mains de guitariste. Allez, il faut s'approcher.
- Bonjour O.
Il ne répond pas, il me sourit, il me dévisage. Il essaye de faire concorder la virtuelle avec la réelle, son regard s'emmêle, se perd, revient. Il pose doucement sa main sur ma joue, son pouce esquisse une caresse légère. Le contact est chaud, réconfortant. Je lui rends son sourire et prend place en face de lui.
Un petit silence embarrassé nous sépare quelques instants, à moins que nous ne soyons en train de prendre nos marques visuelles, hors de ces personnages virtuels que notre imagination avait contribué à forger.
Afin de briser la glace, il me demande pourquoi je suis ici. Alors j'explique ma collaboration avec F., le festival, la soirée. Il me pose des questions, je rebondis sur ses interrogations, c'est fluide, c'est bien. C'est bon. Il me raconte ses plongées, les évolutions des fonds marins en quelques années, l'impact de la pollution sur le biotope, la faune. Bref, il est fabuleusement intéressant.
Le repas se déroulera sans que je ne m'en aperçoive, tant nos échanges sont riches, interactifs. Nous n'avons pas envie de nous quitter, alors une balade s'impose. Mougins et ses artistes peintres nous semblent parfaits, pour prolonger cette connivence qui vient de s'installer. Les rues sont pentues, il me tient la main, la serre parfois un peu, pour attirer mon attention sur un point particulier. Deux heures de promenades et je ne suis pas saturée de sa présence. C'est un miracle cet homme.
D'un commun accord, nous décidons de marcher le long du bord de mer, les pieds dans l'eau. Il me parle de ses enfants. Le prénom de son aîné ressemble à celui de ma cadette : on s'amuse à l'idée de les appeler successivement l'un et l'autre. Il me demande si on peut se revoir, le temps de mon séjour. Je lui dis que je suis totalement libre de mes mouvements et que je peux m'adapter à ses contraintes. Nous prenons la décision de nous revoir le lendemain.
Il me raccompagne à mon hôtel, le Renoir. L'endroit le met mal à l'aise, pourtant ce n'est pas celui qui affiche le luxe le plus ostentatoire. Caro a plutôt bien choisi.
Il me demande de quoi sera faite ma soirée. Je lui réponds que je vais probablement travailler. Je n'ai guère envie de m'immerger dans le bruit et le côté tapageur du festival, même si F. me permet d'avoir des entrées un peu privilégiées. Il me dit au revoir et je le regarde s'éloigner. Il est grand, fin sans être maigre. Sa gestuelle est souple, presque aérienne. Il se retourne et voit que je n'ai pas bougé. Mon coeur fait un petit bond. Il revient sur ses pas, il est face à moi. Embarrassé. Je lui tends mes lèvres et les siennes, toutes chaudes s'y posent sans brutalité. Il me dit d'une voix un peu étrange qu'il ne sait pas si les circonstances de la vie nous permettront de nous retrouver, dans une situation aussi privilégiée. Je réponds que je n'ai pas besoin d'explication, je le prends par la main et l'emmène avec moi, dans ma chambre. Au passage, je commande le repas, pour le soir.
J'ai envie que l'on soit bien durant ces instants, peu importe ce qui se passera... ou pas.
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C'est un peu gênant ce type de circonstances. On sait où l'on voudrait que cela aille, mais les ponts ne sont pas simples à franchir.
Naturellement, nous nous dirigeons vers un endroit neutre : le balcon. Une fois de plus. Je regarde discrètement au-dessus si F. n'a pas l'idée de me renverser un pichet d'eau sur la tête, étant donné qu'il m'avait déjà fait une plaisanterie de ce genre, à Deauville. Mais il ne semble pas être là, sans doute en train de poser les jalons de sa carrière, ailleurs, ou de céder à ses anciens démons de journaliste et de courir après l'info.
- Tu regardes si la pluie menace ?
Je souris et réponds que c'est exactement cela. Il a son bras autour de mes épaules et nous nous amusons à reconnaître les quelques personnalités publiques, qui déambulent sous le soleil. L'instant ne suinte pas l'érotisme, mais quelque chose de chaleureux et sécurisant. Je lui propose une coupe de champagne, il préfère une bière. Alors on savoure tous les deux notre bière bien fraiche, en échangeant autour de notre sujet de prédilection : la musique. Nous avons les mêmes goûts tordus, les mêmes références. Je lui propose d'écouter un album que j'aime particulièrement, nous rentrons dans la chambre. On a sombré dans une franche camaraderie, le sujet ayant éteint toutes nos velléités sensuelles. La musique égrène ses notes de jazz fusion. Il essaye de reconnaître les artistes sur les différents titres : le batteur, le bassiste... Et il se trompe rarement.
La discussion revient sur notre prise de contact, sur le site adulte. Avec un amusement mêlé d'émotion, nous nous rappelons nos échanges, les poèmes que je lui envoyais. Les photos que je recevais de sa part, pour trouver l'inspiration. La discussion devenant plus intime, nous nous rapprochons. Je suis assise au bord du lit, les genoux sous le menton, il est derrière moi et joue avec mes cheveux, pose un baiser léger parfois, sur mon épaule ou dans mon cou. Chaque attouchement fait battre mon cœur un peu plus vite. J'ai peur d'être repoussée, alors je contiens mes élans. Un peu interloqué, il me demande s'il doit arrêter.
- Surtout pas.
Il est agenouillé derrière moi, son ventre plaqué contre mon dos. Les baisers pleuvent sur ma nuque, tandis que ses belles mains descendent et remontent tendrement le long de mes bras. Une odeur légèrement iodée flotte autour de lui, souvenir de sa plongée du matin, sans doute. Ses doigts se nouent aux miens, croisés, enlacés, verrouillés. Je savoure ses caresses, tandis que des fragments de poèmes, écrits pour lui, traversent mon esprit :
..Je veux connaître le goût salé de nos transports
En posant ma bouche sur ton torse si masculin
Je veux sentir ton épiderme frémir sans remords
Troublé par l'audace que dégagent mes instincts...
Ses mains ont libéré les miennes, elles modèlent mes hanches. Je sens son sexe durcir contre mon dos et j'aime la caresse qu'il s'octroie, en le frottant doucement à moi. Je me cambre pour réclamer des caresses sur mes seins, il comprend et les saisit à pleine mains, fermement, tendrement, pour provoquer mon ronronnement. Il m'enferme dans une bulle de douceur, comme lui seul sait le faire, pour notre bonheur. Le tournis du désir me saisit et je m'allonge doucement sur le lit. Un à un, il ôte les boutons de ma jupe qui dévoilent le tanga de dentelle et mon stupre. Ses lèvres se posent sur le tissus arachnéen, il sourit de voir mes dessous féminins. Il me caresse par dessus le tissus, les seins et le clitoris s’énervent du contact délicatement entrepris.
Il ôte son pull et son t-shirt, son jean tombe à terre. Son caleçon laisse deviner une belle érection. Je ne peux empêcher mes mains de glisser le long de son thorax, de goûter sa peau du bout des doigts, de la laisser glisser beaucoup plus bas, en priant pour qu'il ressente au moins le centième, de ce qu'il provoque en moi.
Il gémit, comme un écho à ma prière et je comprends qu'il ressent peu ou prou les mêmes choses. Ses doigts se sont glissés en moi, il me pénètre d'une main et agace mes seins de l'autre. Mon souffle se fait court, je sais que je vais jouir : entre ses caresses et son sexe que je sens tendu pour moi, l'émotion provoque un premier plaisir, que je lui offre avec joie. Cette victoire décuple son désir. Il m'ôte mes derniers vêtements, fait voler son caleçon et s'allonge sur moi.
Mes mains avides visitant tes muscles dorsaux,
Et mes lèvres musardant à la base de ton cou
Je collerai mes seins nus à la chaleur de ta peau
En te suppliant d'illustrer par le geste tes mots doux.
Sa langue fouille ma bouche, aspire délicatement mes lèvres, dépose des myriades de petits baisers sur mon visage. Il me dévore de tendresse et aucun homme ne l'avait fait ainsi, pas dans des moments aussi intense. Je sens son sexe s'insinuer en moi, et mon corps exulte de l'accueillir, c'est une fête, une joie.
Une douche froide nous saisit au même instant, et je sens une petite déception poindre à l'horizon : pas de préservatif.
Mais lui y avait pensé. Il me quitte, va en prendre un dans son jean et revient. Il n'a rien perdu de son excitation, d'ailleurs ses doigts s'emmêlent autour de l'emballage, tant il tremble. Je le lui prends doucement, défait calmement le petit sachet et nous le posons tendrement sur lui, alternant nos mains pour le dérouler. La fête peut continuer, il revient en moi et m'offre une pénétration que je pourrais presque qualifier d'amoureuse. Il s'adapte à mes soupirs, à la moindre de mes réactions, parfois superficiel, parfois lent et profond. Je sens le titillement familier du plaisir interne, se manifester. Mes hanches se font plus impérieuses, c'est moi qui guide mon amant. Il se soumet pour être maître de mon plaisir. Sa chair vient cogner la source exacte de mes sensations, chaque contact amplifie le précédent et l'explosion se rapproche dangereusement. Je ne bouge plus, je me tétanise : c'est comme une sphère de chaleur et d'intense sensibilité, qui se met à naitre et croitre dans cette part de moi en contact avec le bout de son sexe. Il ne cesse de bouger, mais moi je reste paralysée pour apprécier. La seule partie de mon corps animée, c'est mon vagin qui palpite son plaisir et ses encore, autour de son phallus prêt à capituler.
- C'est trop excitant : je sens ton sexe qui serre et desserre le mien très vite... Je ne peux plus tenir.
- Viens, moi aussi j'ai mérité ton plaisir.
Sourire, univers qui bascule, une larme qui coule sur le visage, il y a de l'amour dans cet instant. On le sent. Il s'écroule sur moi frissonnant, épuisé, vaincu.
- J'ai pas envie de partir.
- J'ai envie que tu restes.
Nous nous faisons couler un bain pour nous détendre, nous nous rhabillons.
La femme de chambre arrive avec le plateau repas du soir.
(à suivre... si vous le voulez bien sûr)