Elle porte un débardeur noir, à fines bretelles, un peu trop large, qui s’évanouit clandestinement sur sa poitrine. Ses cheveux sont attachés en queue, derrière. Quelques mèches s’égarent sur son front. Les jambes écartées, accroupie, les mains en appui sur ses cuisses, elle pisse dans un pot de chambre, jaune citron. Elle se regarde en train de faire. Les lèvres sont entre-ouvertes et son sexe essaye de viser. Une autre femme, plus ample, à la chevelure noire, longue, emmêlée, ne cache rien. Ses seins sont lourds, ballant, à la dérive. Les cuisses sont généreuses. Dans sa bouche, une tétine et autour de ses hanches, une grosse couche. Elle passe une main à l’intérieur, l’autre gratte le change. Sa tête est penchée, dormant dans son épaule. Ses yeux, de biais, sont ceux d’une fillette qui viendrait de faire une bêtise. Ses yeux ressemblent à des espiègleries, du genre libertines. Et puis, deux écoliers en culotte courte, casquette, socquette blanche, cartable et sucette, ont sur leurs visages une barbe de quelques jours et puis des poils, bien noir, sur les mollets. Vincent Ruffin peint, d’après photo, des régressions de grandes personnes. Vincent Ruffin s’amuse. Et dans ses toiles immenses, les modèles semblent trouver, un certain calme, un serein repos, un endroit pour se relier, à une enfance lointaine, inconsciente et sans gêne, un stade avant les choses sérieuses et les bonnes manières, un lieu pour s’abandonner, un peu. Régresser et fuir, le raisonnable et toutes les culpabilités.